D'accord, c'est un peu long. Je sais. Mais à 66 ans, cela ne m'est pas arrivé si souvent. Je demande votre indulgence.
Moi aussi, j'ai fait la fête le 6 mai : après 10 ans de colère, j'ai enfin vu le Foutriquet dégager. En dépit des sondages, je n'y ai vraiment cru que vers 17h30 (merci la Suisse et la Belgique). Mais le score m'a laissé pantois : 3 points d'écart, c'était suffisant, ouf, mais ridicule par rapport au contexte. Et cela posait pas mal de questions avant qu'Hollande ne se mette au travail.
1. La dérive buissonnière
Né en 1946, je n'avais, moi non plus, pas compris, commeGaladriel, comment l'Allemagne et l'Italie avaient pu se laisser embarquer par Hitler et Mussolini. La crise de 29 avait donné quelques explications : Krupps, Thyssen et consorts en avaient assez des valises de billets pour acheter du pain, voyaient leurs bénéfices fondre et avaient déniché un clown homme de paille, revanchard inculte autrichien, pour défendre leur capitalisme dur. Le problème fut que le petit moustachu ridicule fut élu !
On y retrouve aujourd'hui une partie de l'électorat de Le Pen : une crise (pas pour tout le monde !), un gros chômage, une éducation générale (et donc politique) démantelée par Sarkozy et une réaction rapide aux arguments simplets de la Marine : "C'est la faute des Arabes", "c'est la faute des profiteurs de subventions, des aides qui rapportent plus que se donner du mal à gagner le SMIC", "c'est la faute de l'Euro et des frontières" (c'est pour cette raison que l'Angleterre, sans euro, est en pleine forme) : du facile à comprendre pour un chômeur qui rame. Buisson conseilla donc Sarkozy de se lancer dans cette drague honteuse : pas idiot. Il suffit de voir les scores Sarkozy dans les départements très frontistes du 1er tour.
2. Un personnage détestable
Je reprends, qu'il ne m'en veuille pas, un excellent post de J.Cros du 18 avril, à propos de l'enfin battu : "Sarkozy, président de la République durant 5 ans, cela restera une énigme. Comment la droite a-t-elle pu se faire berner et adopter comme héraut ce petit bonhomme médiocre, inculte, magouilleur et vulgaire ? Q'une des deux plus grandes formations politiques d'un pays démocratique en soit arrivée-là laisse rêveur... une sorte de comédie du pouvoir jouée par un acteur de Série B, une politique de coups foireux, d'outrance, de frime, embarquant les leaders droitiers dans une dérive incontrôlée... L'élite fatiguée a laissé installer un chef de bande flanqué de ses comparses, larbins sinistres, ayant troqué, à l'instar de leur chef, la compétence contre le culot, le sens du devoir contre l'opportunisme. Cinq ans passés à faire rire l'étranger, à dégrader les comptes de la Nation, à piocher grassement dans les caisses, à envenimer les relations sociales, à mépriser les corps constitués... La droite a bien besoin d'une cure d'opposition pour s'en remettre."
Ouaouf ! Que c'est bien résumé. Le problème ce sont les 48% : oublions les mémés à chien-chien qui pendouillaient dimanche sur les barrières du lycée La Fontaine lors du vote royal; oublions les pauvres groupies en larmes de la Mutualité qui savent de la politique moins que Ribery sur la division cellulaire. Mais les 47% restants ? 17 ou 18 millions d'imbéciles ? D'ataviquement à droite ? De cécité absolue ? Je ne peux pas le croire. Comme pour Cros, cela reste une énigme.
3. Les medias
Beaucoup de posts ci-dessus, ont vilipendé les journalistes télé. C'est vrai qu'écouter les à-peu-près balbutiants d'Apathie hier était plutôt rigolo. C'est vrai que les "timidités" de Pujadas ont souvent agacé. On ne parle pas des nouvelles "perruches" (dixit justement Mélenchon) qui ont envahi les chaînes infos (LCI, I-Télé et BFM) : elles ont juste trouvé la nouvelle position de profil (pour mettre en évidence quoi donc, au fait ?). Mais ne leur demandez pas d'être journaliste. Comme les Barbier (au fait, en dehors du fric des piges télé, il travaille vraiment à l'Express ?), les Mazerolle, les Delahousse, les Calvi (et ses invités récurrents), incapables de produire un débat contradictoire; ou un Pernaut qui préfère en Une, à 13h, un tournoi de ping-pong à la maison de retraite de Mauguio plutôt qu'une bombe assassine à Homs : croyez-vous vraiment que cette pauvreté journalistique soumise ait justifié ces incroyables 48% ? J'ai du mal à le croire : le hiatus est plus profond.
4. Mediapart
Mediapart a réalisé un boulot formidable. J'approuve tous les lecteurs qui lui en ont su gré pour la victoire d'Hollande. Mais j'ai peur que ces infos terribles (Karachi, Bettencourt, Kadhafi...) ne soient restées qu'entre nous, lecteurs assidus. Certes, le document de Moussa Koussa à Bachir Saleh ("l'Interpolé" que Guéant ignore !) a traversé les écrans avec son lot de dénégations indignées. Mais personne n'a réagi, à commencer par Hollande (sans doute avait-il raison) : ces révélations n'ont en rien entamé les 48%.
Beaucoup de posts attendent la Justice avec impatience. Sarkozy n'est plus immunisé. Y croyez-vous vraiment ? Au bout de 17 ans, l'affaire Balladur-Karachi-Sarkozy-Takieddine est toujours en route. Croyez-vous vraiment qu'Hollande va accélérer la procédure avant 2029, ou lancer un vaste "pacte de rassemblement" amnistiant ?
5. Les législatives
Comme pour le Front de Gauche, les chiffres d'Hollande ont déçu. Et rappelé que si une belle porte s'était enfin ouverte, beaucoup restait à faire pour qu'une légère bourrasque ne la referme pas.
Le temps de se mettre en place (investiture des lieux, G8, G20, visite chez Merkel, nomination des ministres, étude des candidats, premières "mesurettes" médiatiques...), le PS n'aura pas le temps de réagir avant les législatives de juin.
Gros boulot rue de Solférino et à "l'Usine" des Lilas au Front de Gauche !